Frédéric Ozanam (1813-1853)

La jeunesse et les études

Frédéric Ozanam naît en 1813 à Milan dans une famille frappée par de nombreux décès : sur onze enfants, seulement trois vivront. Sa famille s’installe en 1816 à Lyon, où Frédéric reçoit une éducation chrétienne et accompagne régulièrement sa mère qui va porter secours à des familles dans le besoin. Son père, lui, est médecin à l’Hôtel-Dieu de 1818 à 1834 ; la famille habite rue Pizay.

Ozanam fait ses études au Collège royal de Lyon (futur lycée Ampère) : c’est un élève brillant, mais vers l’âge de quinze ans, il connaît une douloureuse période de doute et songe même au suicide. L’enseignement de son professeur de philosophie, l’abbé Noirot, le sauve : « Je crus désormais d’une foi assurée et, touché d’un bienfait si rare, je promis à Dieu de vouer mes jours au service de la vérité qui me donnait la paix. » Ce n’est pas une promesse en l’air : dès lors, le jeune homme prépare un immense ouvrage apologétique qu’il propose d’intituler  « Démonstration de la vérité de la religion catholique » auquel il travaillera toute sa vie. Il s’essaie parallèlement au journalisme dans L’Abeille française, le journal de l’abbé Noirot ; il publie également ses Réflexions sur la doctrine de Saint-Simon suite aux émeutes ouvrières qui secouent Lyon en 1831.

En 1831, il poursuit ses études à Paris ; déçu par la capitale, il recherche la compagnie des étudiants lyonnais et est hébergé quelque temps chez un autre lyonnais célèbre, André-Marie Ampère, avec qui il noue une solide amitié. Il obtient une licence en droit en 1834, ès lettres en 1835 et son doctorat en 1836. D’une grande érudition, doté d’un fort goût des lettres, il étudie les langues étrangères, notamment l’hébreu et le sanscrit.

Dans le milieu universitaire, l’heure est à l’anticléricalisme et les intellectuels se plaisent à ridiculiser la foi. Le christianisme est présenté comme l’ennemi de la science et de la liberté, exactement le contraire de ce que veut montrer Ozanam. Blessé au plus vif de sa conscience par les attaques de certains professeurs contre l’Église, il a un très grand souci apostolique et veut démontrer le rôle bienfaisant de l’Église à travers l’histoire, notamment afin d’amener à Dieu ses condisciples athées. Ce souci d’évangéliser les autres le poussera, au Carême de 1833, à organiser une pétition avec d’autres étudiants pour la création de conférences de Carême à Notre-Dame de Paris. L’archevêque de Paris accueillera positivement cette demande et les conférences de Carême seront un grand succès : elles subsistent encore de nos jours.

 

Les conférences de Saint Vincent de Paul

Ozanam fréquente la « conférence d’histoire », présidée par M. Bailly. Dans une de ces réunions, à la suite d’une apostrophe d’un libre-penseur saint-simonien qui lui demande pourquoi il s’intéresse ainsi au passé alors qu’il y a des pauvres à secourir, il décide d’orienter sa vie vers l’aide aux plus démunis. En avril 1833, avec des amis étudiants, paroissiens comme lui de l’église Saint-Étienne-du-Mont, il fonde une petite société vouée au soulagement des pauvres, qui prend le nom de Conférence de la charité. Par la suite, la conférence se place sous le patronage de Saint Vincent de Paul. Il est alors aidé dans sa tâche par sœur Rosalie Rendu, une Fille de la Charité très active dans les quartiers pauvres de Paris. Le but de la Conférence est la sanctification de ses membres par le service des pauvres : « le Christ nous conduit aux pauvres et les pauvres nous conduisent au Christ ». Ozanam veut établir des contacts personnels d’homme à homme entre les heureux et les malheureux, les riches et les pauvres, redonnant ainsi aux misérables une dignité humaine. Le jeune étudiant se dévoue sans compter et visite des centaines de pauvres, laissant à d’autres la présidence et les fonctions honorifiques de la société. Les conférences de Saint Vincent de Paul  rassemblées vont devenir la Société de Saint Vincent de Paul, organisation qui perdure encore de nos jours à travers plus d’un million de membres.

 

Vie professionnelle et vie personnelle

Devenu avocat à la demande de son père, Frédéric Ozanam exerce cette profession sans conviction et se tourne petit à petit vers le professorat. Reçu premier à l’agrégation de littérature, il postule à la succession d’Edgar Quinet à la chaire de littérature étrangère de Lyon puis enseigne à la Sorbonne de 1841 jusqu’à sa mort : il y prend la succession de Claude Fauriel en 1844. Ses cours portent notamment sur les littératures médiévales allemandes, italiennes, espagnoles et anglaises ; il entreprend des voyages d’études dans tous ces pays européens, ce qui l’amène à étendre son champ d’action à l’histoire.

A une époque où Eglise et Université sont en forte opposition, Frédéric Ozanam s’efforce de concilier fidélité à l’une et fidélité à l’autre : « Je suis de l’Église et de l'Université tout ensemble et je leur ai consacré sans hésitation une vie qui sera bien remplie si elle honore Dieu et qu'elle serve l’État. Je veux concilier ces devoirs [...] » écrit-il en 1843. Son attitude mesurée sera mal comprise et critiquée aussi bien par les journaux catholiques qu’anticléricaux.

Ozanam a longtemps hésité sur l’état de vie qu’il doit embrasser pour se consacrer à sa tâche : célibat dans le monde, mariage ou vie religieuse. Il songera à rejoindre les dominicains. Cette quête de sa vocation le mènera vers la prière et l’attente de la volonté de Dieu. Il a rédigé une très belle prière des célibataires qui est un modèle de manifestation de confiance en Dieu et d’attitude à tenir lors de l’attente de l’âme sœur, ou de l’appel à une vocation particulière. Sa réponse lui viendra via un ami prêtre qui lui présente une jeune fille qu’il épouse à Lyon le 23 juin 1841. Le 24 juillet 1845, ils ont une petite fille qu’ils prénomment Marie. Leur couple sera un des plus beaux exemples de couple chrétien, leur correspondance abondante est là pour en témoigner.

 

Les dernières années de sa vie

La question sociale et les évènements révolutionnaires de 1848 le poussent à s’engager politiquement : il participe à la fondation de L’Ere nouvelle avec Lacordaire pour défendre l’idéal démocratique. Pour lui, le travailleur fait une tâche divine que seul le christianisme a reconnue et qui doit être considérée à sa juste valeur. La dignité personnelle de l’homme, reflet de son créateur, oblige à respecter le travailleur. Il réclame donc de l’employeur non seulement un salaire minimum, mais aussi des allocations familiales et une retraite. Ozanam repousse tour à tour la solution du socialisme, qu’il appelle « intervention dictatoriale du gouvernement », et la solution du libéralisme, « liberté absolue, laisser-faire », qui met l’ouvrier à la merci de l’entrepreneur. Ses idées en font un précurseur de la doctrine sociale de l’Eglise qui sera développée plus tard par les Papes Léon XIII et Pie XI, notamment dans les encycliques Rerum Novarum et Quadragesimo anno.

En 1852, Frédéric tombe malade, doit quitter l’enseignement et se rend dans le sud de la France, en Italie et en Espagne pour tenter de se soigner. Il meurt finalement à Marseille à la fin de l’été 1853 des suites d’une tuberculose rénale. Son corps repose dans la crypte de la chapelle des Carmes, rue de Vaugirard à Paris.

Nombre d’établissements scolaires en France portent son nom. Le Pape Jean-Paul II l’a déclaré bienheureux le 22 août 1997, en la cathédrale Notre-Dame de Paris, au cours des Journées Mondiales de la Jeunesse, en le présentant comme « un modèle d’engagement et de Sainteté pour les jeunes du monde entier ». A cette occasion, le premier ministre Lionel Jospin lui répondait : « Le grand rassemblement que vous avez suscité en France aura permis aux jeunes étrangers de mieux connaître les valeurs dont notre pays se veut porteur parmi les nations. Ces valeurs ont été incarnées par un homme remarquable, Frédéric Ozanam, que vous avez choisi de distinguer publiquement à Notre-Dame de Paris. Agrégé et Docteur de l'Université Française, professeur à la Sorbonne, journaliste, le créateur de la Société de Saint Vincent de Paul a contribué efficacement à la réconciliation de l’Église et de la République. Il a ainsi favorisé l'émergence d'une conception française de la laïcité, respectueuse de la liberté religieuse, expression de la liberté de conscience. Cet homme de foi, lucide et passionné ne pouvait rester insensible à la misère et à l'injustice sociale. Même s'il ne fut pas pleinement reçu en son temps, son message a une résonance durable. »